PMA : On fait des personnes homosexuelles des boucs émissaires

Tribune dans le journal La Croix du groupe PMA de David & Jonathan

Benoît (diocèse d’Évry) et Marianne (diocèse d’Orléans) sont membres de David & Jonathan, chrétien et chrétienne LGBT. Ils réagissent à l’édito de Guillaume Goubert à la suite de la manifestation contre l’ouverture de la PMA à toutes les femmes.

« Cette affluence témoigne des inquiétudes de nombreux citoyens sur les conséquences sociales des avancées scientifiques » concluait l’éditorial de La Croix du 7 octobre à propos de la manifestation de la veille contre l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. De quelles avancées scientifiques parle-t-on ?

Une vraie paternité  ?

Les couples hétérosexuels, dans le cadre de la loi votée il y a 25 ans, recourent aujourd’hui pour près des deux tiers à la fécondation in vitro, avec des techniques de plus en plus pointues – micro-injection de spermatozoïdes, congélation d’embryons, diagnostic préimplantatoire, etc. – qui peuvent effectivement poser des questions éthiques.

À l’inverse, les couples de femmes n’ont en général besoin que d’une simple insémination avec donneur. Il s’agit d’une technique vieille d’au moins deux siècles, simple, peu coûteuse, non chirurgicale, qui peut se pratiquer sans traitement hormonal et ne permet aucune sélection d’embryon puisqu’il s’agit d’une fécondation « naturelle », in vivo.

Les couples hétérosexuels dont l’homme est infertile tentent souvent de surmonter l’infertilité par une FIV avec micro-injection, avant de se résoudre en dernier recours à une insémination avec donneur tiers. Comme s’il était essentiel que le père soit le géniteur… Faudrait-il être à tout prix le géniteur pour être pleinement père ? La filiation de Jésus telle que nous la racontent les Évangiles – descendant de David par son père Joseph, époux de Marie et qui n’est pas le géniteur de Jésus – n’est pas une histoire sans signification. Elle invite les hommes à prendre du recul avec la prétention d’être les créateurs de l’enfant et à comprendre ce qu’est une vraie paternité.

Une meilleure protection de la famille

L’élargissement de la PMA à toutes les femmes ne fera que leur permettre d’accéder au cadre éthique de la loi française ; c’est-à-dire à pouvoir recourir à un donneur et non pas à un vendeur de sperme ; à ne pas être dépendantes de circuits commerciaux qui poussent parfois à la surconsommation médicale ; à ne pas subir une sélection par l’argent. Il s’agit aussi de mieux protéger leurs familles et leurs enfants dès la naissance, sans passer par une procédure d’adoption longue et humiliante. Cette loi devrait enfin permettre à l’enfant de connaître l’identité du donneur à sa majorité. Au lieu de se réjouir de ces avancées éthiques, pourquoi charger les couples de femmes des risques de dérives technicistes, qui n’ont rien à voir avec la question de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes ?

La GPA est aujourd’hui interdite pour tous en France

De même, pourquoi répéter ce fantasme que l’ouverture de la PMA aux couples de femmes ouvrira la porte à la gestation pour autrui ? Imagine-t-on un seul instant que la GPA puisse être ouverte aux couples d’hommes sans avoir été autorisée au préalable pour les couples hétérosexuels dont la femme ne peut pas porter un enfant ? Il est insupportable d’entendre répéter « Si on accorde la PMA aux couples de femmes, alors il faudra accorder la GPA aux couples d’hommes ». Les couples hétérosexuels dont la femme est stérile ne risquent pas, eux, de demander la GPA, sans doute ?

Pourtant, les enfants nés par GPA dans des couples hétérosexuels sont bien plus nombreux que dans des couples d’hommes. Mais dans le premier cas, cela peut se dissimuler… Aucune des associations LGBT ne revendique un droit à la GPA, pour la simple raison qu’il n’y aucune discrimination : la GPA est aujourd’hui interdite pour tous en France. En revanche, ceux qui invoquent l’argument du « traitement de l’infertilité » pour réserver la PMA aux couples hétérosexuels infertiles préparent sans s’en rendre compte une acceptation de la GPA : comme l’a montré le sondage Ifop-La Croix de janvier 2018, une majorité des français seraient favorables à la GPA « pour raisons médicales ». Cibler les couples homosexuels pour contrer la GPA est aussi injuste qu’inefficace.

Cessons de désigner des boucs émissaires

Cette façon de stigmatiser une minorité, en l’occurrence les personnes homosexuelles, pour leur attribuer des risques qui concernent toute la société, porte un nom : désigner des boucs émissaires. Que les évêques et certains catholiques soient opposés à toute forme d’assistance médicale à la procréation, comme à toute forme de contraception ou à toute relation sexuelle hors mariage, cela est leur choix.

En revanche, après 25 ans sans aucune campagne de communication, aucune manifestation contre la loi sur la PMA de 1994, leur soudaine mobilisation dès lors qu’il s’agit de couples de femmes est bien suspecte. S’opposer à la PMA maintenant, ce n’est ni le moment ni le cadre, sauf à demander explicitement l’abrogation de toute forme de PMA, y compris pour les couples hétérosexuels infertiles.

Ne serait-il pas temps de sortir de la panique qui saisit la hiérarchie catholique dès qu’il s’agit des droits des personnes homosexuelles ? La série de textes magistériaux écrits par Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI, et présentant la reconnaissance de droits pour les personnes homosexuelles comme « une menace pour la famille et la société », a encore une forte influence et pas seulement en Pologne !

Il s’agit avant tout d’accueillir la vie

Ne serait-il pas plutôt temps d’écouter les principaux concernés ? Les enfants nés de PMA aujourd’hui adultes ? Les parents de familles homoparentales ? De lire les études qui montrent que les enfants vivant dans ces familles se portent aussi bien que les autres ? Et de se rappeler que, bien plus que de technique, il s’agit avant tout d’accueillir la vie et d’aimer, éduquer et prendre soin d’enfants.

Faute d’informations concrètes, faute de témoignages et de débats au sein de l’Église, ceux qui manifestaient dimanche 6 octobre n’ont pas eu conscience de répéter des arguments faux et involontairement homophobes concernant la dérive techniciste ou une prétendue dérive vers la GPA. Quand le brouhaha sera retombé, quand la loi sera promulguée, pourra-t-on se rencontrer et se parler ? L’éditorial du 4 octobre de La Croix appelait les opposants à « éclairer les consciences, dans un processus de longue haleine ». L’écoute de la réalité de la diversité des familles ne pourrait-elle pas aussi éclairer les consciences de ces opposants et être la base d’un dialogue constructif ?

Le groupe PMA de David & Jonathan